Transat Jacques Vabre Normandie - Le Havre : " Cette transat Jacques Vabre, c'est un tiers de tour du monde."
Tous les deux ont déjà couru la Transat Jacques Vabre. Ce sera sa deuxième participation pour Thierry, après une 2è place en Class40 en 2007. Quant à Anthony, s’il a déjà couru deux fois la Transat dont une fois comme co-skipper en 2021 aux côtés d’Yves Le Blevec sur ce même Ultim, il la court pour la première fois en tant que skipper. Les sensations ne seront pas tout à fait les mêmes.
Anthony Marchand : un nouveau rôle
« Je n’ai pas l’impression que mon rôle soit si différent que ça. En tant que co-skipper j’avais aussi des responsabilités vis à vis du bateau et de l’équipe sauf que, en tant que skipper, tu en as un peu plus. Cela ajoute une pression supplémentaire vis à vis de Thierry, de l’équipe, du bateau… mais cette pression me manquait jusqu’à maintenant car j’aime naviguer avec un peu de pression. Finalement cette étiquette de skipper me le permet.”
Thierry Chabagny : une première sur un Ultim
« C’est hyper excitant et motivant de courir une transat en double en Ultim. Ce sont les plus beaux bateaux du monde et surtout les plus rapides ! Quinze jours d’affilés c’est un gros morceau tout de même ! et c’est assez fatiguant sur ces bateaux là. Notre parcours (une marque à virer au large du Brésil), c’est quasiment une double transat, deux passages de l’équateur, soit un tiers de tour du monde, ce n’est pas anodin. Je suis très content d’être au départ d’une course sur un Ultim, aux cotés d’Anthony. C’est tellement rare et exceptionnel…”
Actual Ultim 3, mis à l’eau en 2015 et optimisé chaque saison, vient d’être équipé de nouveaux foils depuis moins d’un mois. Ses performances sont indéniablement maximisées.
Thierry : “Nous avons un bateau upgradé par le team, cela fait plaisir de voir que toute l’équipe s’est mobilisée pour cela. Nous allons découvrir les nouveaux foils en mode course sur cette transat. C’est vraiment bien d’avoir de nouveaux outils, de les appréhender dans tous types de configuration et de voiles.”
Anthony : “Le bateau est optimisé, les autres sont peut-être un peu plus rapides mais la stratégie compte. Ce n’est pas toujours le plus rapide qui gagne et heureusement ! Surtout en sport mécanique. Sur 15 jours tout est possible, il y aura plein de coups à jouer. Notre rôle est de faire fonctionner le bateau à 100% le plus souvent possible. Et notre cellule à terre sera mobilisée pour nous aider à choisir la meilleure stratégie.”
Courir en double permet-il de doubler les performances ? Pas vraiment, selon Anthony et Thierry qui partagent la même vision de cet exercice particulier tout en complicité.
Anthony : “Il y a trois manières de naviguer dans la course au large : le solitaire, le double, l’équipage. Ce n’est pas parce que tu es en équipage que c’est plus facile car tu tires plus sur le bateau, tu fais plus de manoeuvres, … Le double, c’est du faux solitaire car lorsque tu es aux manoeuvres l’autre dort. Bien sûr, tu l’appelles si besoin mais s’il y a un problème sur ces machines, c’est déjà trop tard ! Tu dors un peu mieux qu’en solitaire. Le double, c’est un exercice à part entière.”
Thierry : “Le double c’est du solitaire à deux. Quand l’un se repose, l’autre est seul. Mais la différence est que, lorsque tu vas dormir, tu sais qu’il y a quelqu’un aux manœuvres. C’est plus serein et, si tu as une doute ou un questionnement, tu peux le partager. Le double ça rassure. Tu n’es pas seul à ruminer, même si tu es connecté avec l’équipe à terre. Je n’ai jamais fait de solitaire sur un Ultim. Je pense que c’est un exercice ultime sur ces machines. J’admire le courage d’Anthony !”
La pression, les deux hommes l’enfouissent jusqu’au jour du départ…
Thierry : La pression est saine car elle mobilise tous tes sens et les capteurs des neurones. Le moment du départ ce sera quelque-chose ! C’est extrêmement dur dans les premières heures, c’est très brutal, voire dangereux, il faut être vigilant. Mais après, c’est la délivrance.
Anthony : Quatre départs différents (un départ par classe ndlr), c’est très bien ! Il y a deux ans, c’était chaud sur la ligne de départ avec toute la flotte. Bon, si on fait une bêtise, elle sera vite vue ! Les projecteurs seront dirigés sur nous, les Ultims ouvrent le bal ! Donc ça n’enlève pas de pression au final et, quoiqu’il arrive, on aura toujours LA pression du départ. Le matin d’un départ de course en Ultim, c’est plus de stress que dans d’autres séries avec plein de petits stress cumulés : le matin avec les derniers fichiers météo et la stratégie à adopter, le départ du ponton qui n’est pas une manoeuvre anodine surtout quand il y a du vent…, les aurevoirs à la famille, à l’équipe, puis l’arrivée vers le plan d’eau où il y a du monde, le moment où l’équipe saute du bateau quelques minutes avant le départ, le départ avec les autres bateaux, la première bouée de dégagement, ….Tu sais que ça va être une journée dense, riche en émotions. Et les 24 premières heures vont être intenses ; on va donc vivre 48 heures dans le dur, direct. C’est pour cela qu’il est important de bien se reposer avant.
La cellule à terre, « le troisième homme » : Christian Dumard, routeur et expert météo, Yves Le Blevec, directeur du team, Clément Bourgeois, en charge de la performance, ne feront qu’un, pour se relayer 24/24 durant toute la course.
Thierry Chabagny : À deux jours du départ, le schéma n’est pas très clair. Mais le scénario global reste le même avec un début de dépression hivernal assez classique à cette époque de l’année. On devrait avoir du vent fort de sud qui nous permettra de sortir de la baie de Somme plutôt rapidement mais nous aurons aussi de la mer formée. N’être que cinq sur la ligne de départ simplifiera la donne surtout si le vent forcit à ce moment là. Nous aurons deux jours costaud où il faudra tenir la cadence. »